La reconnaissance des compétences : un système injuste pour les travailleurs expérimentés

En France, l’accès à la formation professionnelle et la reconnaissance des compétences acquises au travail sont des clés essentielles pour l’employabilité et la mobilité des individus. Pourtant, malgré les discours officiels sur l’importance de la valorisation de l’expérience et de l’apprentissage tout au long de la vie, une grave inégalité persiste. Si les jeunes qui suivent un cursus scolaire ou en alternance bénéficient de soutiens financiers et institutionnels conséquents, ceux qui, sur le terrain, ont acquis de précieuses compétences doivent faire face à des obstacles majeurs pour les faire certifier. Un paradoxe qui trouve sa source dans des politiques publiques largement favorables à l’éducation académique mais insuffisamment orientées vers la reconnaissance des savoir-faire professionnels acquis en dehors des bancs de l’école.

Une aide financière massive pour la formation initiale, mais rien pour la VAE

Prenons le cas de l’étudiant ou de l’apprenti : chaque année, un lycéen ou un étudiant bénéficie indirectement d’une aide publique de 11 000 € pour financer sa formation. Ce montant augmente à 20 000 € pour les jeunes en alternance, qui voient leur cursus largement subventionné par l’État. Ce soutien, bien qu’indirect, leur permet de se concentrer sur leurs études sans être confrontés à des difficultés financières majeures.

En revanche, un salarié expérimenté ou un demandeur d’emploi qui souhaite faire reconnaître ses compétences par la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) se retrouve dans une situation bien différente. Aucun financement public n’est prévu pour soutenir cette démarche, et l’individu doit se tourner vers son Compte Personnel de Formation (CPF). Toutefois, les crédits disponibles via le CPF sont souvent insuffisants pour couvrir l’ensemble des frais liés à l’accompagnement, aux évaluations, ou aux frais de jury nécessaires à la validation de ses compétences.

Pire encore, les fonctionnaires se trouvent dans une position particulièrement désavantageuse : leur CPF ne peut même pas être utilisé pour financer une VAE à titre personnel. Ainsi, ceux qui ont fait preuve d’un engagement professionnel fort n’ont d’autres choix que de se confronter à des démarches administratives complexes et incertaines, souvent sans soutien de leur hiérarchie. C’est une véritable double peine : leur expérience acquise sur le terrain ne leur ouvre aucune porte et les rares dispositifs de soutien sont hors de portée.

Un paradoxe institutionnel : pourquoi ignorer l’expérience terrain ?

Cette situation soulève plusieurs questions légitimes. Pourquoi l’État investit-il des sommes colossales pour financer la formation initiale des jeunes, tout en négligeant la reconnaissance de l’expérience professionnelle des adultes ? Pourquoi un apprenti, au début de sa carrière, bénéficie-t-il d’un soutien substantiel, tandis qu’un professionnel aguerri, ayant accumulé des années de savoir-faire sur le terrain, doit se débrouiller seul pour faire valoir ses compétences ? Pourquoi persiste-t-on dans une logique qui accorde une valeur unique à l’enseignement académique et ignore l’immense richesse des expériences pratiques acquises sur le terrain ?

Cette incohérence crée un fossé entre les parcours professionnels, décourage les travailleurs souhaitant faire évoluer leur carrière et freine la mobilité professionnelle. Elle aggrave les inégalités entre ceux qui ont eu accès à l’éducation supérieure et ceux qui, pour des raisons diverses, ont intégré le monde du travail plus tôt. Ce déséquilibre marginalise des milliers de travailleurs qui, après des années de pratique, peinent à obtenir la reconnaissance de leurs compétences.

La VAE : un outil sous-exploité mais porteur d’espoir

Malgré tout, la VAE représente un levier précieux pour changer la donne. Il s’agit d’un dispositif moderne et flexible qui permet aux individus de faire reconnaître leurs compétences sans passer par un parcours scolaire long et coûteux. Elle offre une véritable alternative à la formation traditionnelle, permettant à des travailleurs expérimentés de valider leur expertise de manière officielle. Cependant, faute de soutien suffisant, ce potentiel reste largement inexploité.

La VAE pourrait offrir une réponse aux tensions de recrutement, permettre aux travailleurs de donner un nouvel élan à leur carrière et contribuer à l’égalité des chances. Pourtant, elle nécessite un investissement accru de l’État et un soutien plus ferme pour être pleinement opérationnelle.

Quelles solutions pour rétablir l’équité ?

Il est grand temps que l’État revoie sa politique de soutien à la formation professionnelle en élargissant les dispositifs de financement de la VAE. Chaque travailleur, quel que soit son statut, doit avoir accès à des aides individuelles pour certifier ses compétences. Le financement par le CPF doit être plus adapté et suffisant pour couvrir les frais de l’accompagnement nécessaire à une VAE réussie. Il est également crucial que des solutions simples, comme l’abondement ciblé du CPF, soient mises en place pour soutenir cette démarche.

Un appel à l’action pour rétablir la justice professionnelle

Depuis janvier 2025, l’absence d’aides directes à la VAE a laissé des milliers de travailleurs sans solution pour faire reconnaître leurs compétences. Si cette situation perdure, ce sont plus de 30 000 personnes qui seront privées de leur droit à la certification cette année. Pourtant, des solutions simples existent, comme l’abondement du CPF pour soutenir les parcours VAE. Un petit investissement à l’échelle nationale pourrait transformer les parcours professionnels de milliers de travailleurs, et permettre à chacun de faire valoir son expérience.

Il est urgent d’agir avant qu’il ne soit trop tard. Chaque expérience compte, chaque compétence mérite reconnaissance. La VAE doit être soutenue pour garantir une mobilité professionnelle équitable et un avenir professionnel à la hauteur des compétences acquises sur le terrain.